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by • 12 novembre 2020 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 13 novembre 2020.937

Essor Sarladais du 13 novembre 2020.

A la recherche du pays perdu.

Le Tour des Livres.

« Le hasard m’avait fait naître sur un morceau de territoire dont l’histoire pouvait s’inscrire entre deux dates, comme sur une tombe : 1830 – 1962. » Béatrice Commengé nous propose un voyage dans son passé de française née en Algérie, dans un récit aux remarquables qualités littéraires : « Alger, rue des Bananiers », publié chez Verdier. Elle pratique cette recherche d’un temps perdu grâce à sa mémoire : elle a passé les douze premières années de sa vie à Alger. Sensations, sentiments, découvertes, jeux d’enfants. Elle y mêle les souvenirs, photos et documents entassés dans la maison familiale de Domme, en Périgord. Elle y retrace l’histoire de sa famille sur quatre générations. La description du bureau de son père, à Domme, m’emplie de nostalgie : j’y ai pris des cours particuliers de latin et cela me donne la sensation de participer, un tout petit peu, à cette aventure. Enfin, pour combler les trous, Béatrice utilise les livres d’historiens, les journaux de l’époque, découvrant que Camus, vingt ans avant elle, a foulé la même rue. Le résultat de ce puzzle est un livre magnifique qui se dévore comme un roman, et qui fonctionne comme la mémoire de Marcel Proust, dans une autre Recherche.

David Foenkinos utilise son manque d’idée pour faire un nouveau roman : « La Famille Martin », publié chez Gallimard. En manque d’inspiration, il décide de consacrer son livre à la première personne qu’il rencontrera dans la rue. La gagnante est une vieille dame, Madeleine Tricot, couturière à la retraite. Elle lui parle de son défunt mari, René, de son premier et inoubliable amour, Yves. Il rencontre sa fille Valérie Martin, enseignante fatiguée, lasse de son métier et de son mariage. Puis il parle avec Patrick Martin, son époux, un cadre inquiet sur son avenir, tente d’apprivoiser leurs enfants Jérémie et Lola. Petit à petit, les personnages prennent le roman en main, réduisant l’auteur au rang de chroniqueur. Une très agréable lecture.

André Comte-Sponville n’est pas seulement un spécialiste de Montaigne : il pratique sa philosophie au quotidien, comme si le penseur bordelais était un maître de vie. Il nous propose, chez Plon, un excellent « Dictionnaire amoureux de Montaigne ». C’est probablement l’ouvrage qui permet le mieux de pénétrer la pensée complexe du philosophe, qui va « à sauts et à gambades ». En passant d’un article à l’autre, de la mélancolie à l’amitié, de l’éducation à la liberté, le lecteur s’imprègne de sagesse, se laisse pénétrer par elle, jusqu’à en faire une seconde peau. La lecture de Montaigne me semble indispensable à notre époque déboussolée ; rien n’est plus moderne que lui.

Cécile Pivot nous propose, chez Calmann-Lévy, « Les Lettres d’Esther », un joli roman sur l’écriture. En mémoire de son père, libraire dans le Nord, Esther ouvre un atelier d’écriture. Que désirent les cinq élèves qui la rejoignent ? La célébrité ? Une psychanalyse à bon marché ? Une revanche sociale ? La vielle dame solitaire, le couple en dépression, l’homme d’affaires blasé et l’adolescent perdu ont en commun une lassitude de leur vie, le désir de lui donner un sens, de le poser par écrit. A travers l’exercice littéraire, ils vont s’ouvrir, se découvrir, se lier. L’écriture : une expérience initiatique.

                                                                            Jean-Luc  Aubarbier.

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