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by • 4 septembre 2015 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur ESSOR SARLADAIS du 4 septembre 2015.2616

ESSOR SARLADAIS du 4 septembre 2015.

couv 2084

BOUALEM SANSAL DANS LA PEAU D’ORWELL.

Le Tour des Livres.

 

Après Houellebecq qui, dans « Soumission » prédisait la victoire électorale de l’islamisme en France, l’Algérien Boualem Sansal décrit, dans « 2084, la fin du monde », publié chez Gallimard, le triomphe d’une doctrine religieuse totalitaire qui s’est répandue sur la terre. L’Abistan est le pays du prophète Abi, le délégué du dieu Yölah sur terre. Le peuple est censé vivre dans le bonheur absolu de la vérité dogmatique, les commissaires de la foi décident de ce qui est bien ou mal, l’idée d’un ennemi héréditaire invisible est maintenue pour conserver un peu d’inquiétude et unir les ignorants. Le personnage central, Ati, met en doute cette réalité qui a effacé le réel. Il se lance dans l’exploration de ce nouveau monde, découvre des résistants et l’histoire du passé. A l’instar de Georges Orwell, dans son « 1984 », Boualem Sansal invente un univers, un vocabulaire, une mythologie. Toute ressemblance avec la dictature islamique et son monstrueux projet ne saurait être fortuite. « 2084 » est en quelque sorte « l’Archipel du Goulag » du monde islamique, quand il sera au pouvoir…… dans 69 ans.

Dans « La Dernière Nuit du Raïs », paru chez Julliard, Yasmina Khadra se met dans la peau du colonel Kadhafi à l’heure de sa mort. Malgré le désastre dans lequel il a plongé son pays, malgré ses nombreux crimes, il ne parvient pas à se sentir coupable. Il a cru pouvoir incarner toute une nation, a voulu sauver son peuple et s’est substitué à lui. Khadra nous invite à une plongée vertigineuse dans la tête d’un tyran sanguinaire et mégalomane. Nous partageons sa vision du monde et l’effondrement de la fiction dont il était l’auteur et l’acteur.

« Nazis pendant les guerres et catholiques entre elles » chantait Jacques Brel à propos des habitants de son pays. Le roman de Patrick Roegiers, paru chez Grasset, « L’Autre Simenon », en donne un exemple parfait. Christian Simenon, frère cadet de Georges, est le chouchou de sa bigote de mère. En manque d’autorité paternelle, il est une proie toute désignée pour le parti rexiste de Léon Degrelle, le nazi belge. Tandis que Georges, en France, se consacre à la littérature et rencontre le succès, tout en redoutant que les actes de son frère ne nuisent à sa réputation, le faible Christian plonge dans la collaboration et participe à une effroyable tuerie. Condamné à mort, il s’engage dans la Légion et disparait sans laisser de trace.

En écho au roman de Philippe Jaenada « La petite femelle », Astrid Manfredi nous propose un brillant roman sur un thème identique « La petite barbare », publié chez Belfond. Incarcérée pour complicité de meurtre, une fille de 20 ans jette à la face du monde le récit de son chaos intérieur et social. Monstre de beauté, sans aucun scrupule, mais animée d’une rage de vivre, elle aspire au luxe et à tous ce qui brille. Les hommes qu’elle manipule à volonté tombent comme des mouches. Comment s’émanciper de la pauvreté ? La littérature pourrait elle la sauver ?

Etrange et dérangeant roman que « Le Testament de Marie » que l’Irlandais Colm Toibin publie chez Robert Laffont. Ils sont deux à interroger Marie, à vouloir lui faire dire ce qu’elle refuse. Elle a bien vue, avant son arrestation et son exécution ignominieuse, que ses disciples voyaient en lui autre chose que ce qu’il était, que son martyre était nécessaire pour eux. Elle est restée dans le monde simple de l’amour d’une mère pour son fils et refuse que l’on en fasse un mythe.

 

JEAN-LUC AUBARBIER.

 

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