Le Tour des Livres.
Voilà plusieurs années qu’elle nous berce avec des romans élégants et nostalgiques. « Summer », publié chez Jean-Claude Lattès, doit élever Monica Sabolo au rang des grands écrivains de cette rentrée littéraire. A l’occasion d’une séance de psychanalyse, Benjamin, le narrateur, sent ses souvenirs remonter à la surface. Vingt-quatre ans auparavant, quand il avait douze ans, sa sœur ainée, Summer, a disparu sans laisser de traces, après une journée passée avec des amis sur le bord du lac Léman. Summer, mystérieuse, aguicheuse et solaire, qui laissait dans l’ombre ce petit frère timide et mal dans sa peau, ce fils trop nerveux et fragile qui décevait son père. Le roman se perçoit à travers un brouillard, à la manière de Patrick Modiano, à travers des souvenirs qui apparaissent et s’effacent. C’est une « recherche du temps perdu » qui erre dans un réel dissocié et désintégré. Le narrateur a le sentiment de revivre, comme un éternel retour, cette journée tragique à l’issue de laquelle on ne sait si Summer s’est noyé, si elle a été enlevée, assassinée ou si elle s’est enfuie. Peu à peu, les secrets de cette famille riche et en apparence heureuse, vont faire surface. Comme dans « Crans-Montana », son précédent roman, Monica Sabolo excelle à décrire l’ambiance de ces bandes de filles et de garçons, où le narrateur se sent comme le vilain petit canard. Son meilleur livre, incontestablement.
Très attendu dans cette rentrée, le roman du néerlandais Joost de Vries, « L’Héritier », paru chez Plon, ne décevra pas ses lecteurs. A la suite d’une mauvaise chute, Friso de Vos, rédacteur en chef de la revue Le Somnambule et bras droit du célèbre philosophe Josip Brik, est hospitalisé au Chili. Pendant sa convalescence, il apprend la mort de son mentor, tombé par la fenêtre. Profitant de cette double chute, un inconnu, Philip de Vries, s’empare de l’héritage intellectuel de Josip Brik : l’Hitlerologie. En prenant la parole lors des obsèques, puis à la télévision, cet usurpateur s’installe aux yeux de tous, comme le nouveau patron de la discipline. Pour reprendre son bien, Friso va devoir livrer un terrible duel d’intellectuels qui laissera du monde sur le carreau. Mais à Vienne, lors d’un congrès, on le confond avec l’imposteur. Friso laisse faire…
Manifeste pour la littérature et travail de mémoire, voici ce que nous annonce Valentine Goby dans son dernier ouvrage « Je me promets d’éclatantes revanches », paru chez l’Iconoclaste. En nous proposant une lecture intime de Charlotte Delbo, résistante, amoureuse, déportée et poète, Valentine Goby refait le trajet qui l’a amenée à la littérature et nous fait parcourir, d’une marche de funambule, le sentier étroit qui relie deux romancières. De par son expérience des camps de concentration, Charlotte Delbo peut « forger une langue capable de nous ramener d’entre nos morts » et inventer une littérature qui sauve la vie… Celle de son héritière en écriture, mais aussi celles de ses lecteurs. Un auteur à redécouvrir à travers un autre auteur.
Avec « La Sélection », publié chez Buchet-Chastel, l’écrivain indien Aravind Adiga nous offre un magnifique roman d’apprentissage. Deux frères, Manju et Radha, tout juste adolescents, tentent de sortir du milieu pauvre où ils sont nés, par le sport, le cricket où ils excellent. Mais est-ce bien leur propre souhait, ou celui d’un père ambitieux et cruel, qu’ils détestent ? Alors que la concurrence du sport se transforme en rivalité, susceptible de séparer les deux frères, le lecteur suit ce mouvement de balancier qui les fait tour à tour avancer, reculer, gagner, perdre, sous le joug d’un père honni qui alimente leur désir de vengeance.
JEAN-LUC AUBARBIER.
LIRE EN POCHE, salon du livre de GRADIGNAN, le 6, 7 et 8 octobre 2017. Article suivant
ESSOR SARLADAIS du 7 octobre 2017