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by • 5 octobre 2018 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 5 octobre 20181480

Essor Sarladais du 5 octobre 2018

 

Dans l’œil du photographe.

Le tour des Livres.

 

Prix Goncourt 2012 pour « Le Sermon sur la chute de Rome », Jérôme Ferrari nous propose, pour cette rentrée littéraire, un roman dans l’air du temps, remarquablement écrit. « A son image », paru chez Actes Sud, nous fait effectuer une boucle dans le temps. Antonia, photographe spécialisée dans les mariages, retrouve à Calvi, Dragan qu’elle a connu lors d’un reportage sur la guerre en Yougoslavie. En rentrant chez elle, elle a un accident et se tue. Son oncle, prêtre, qui l’a poussé vers sa supposée vocation de photographe, alors que tous la voulaient jeune fille corse parfaite, maitresse d’un indépendantiste, célèbre la messe des morts. Le plan du livre suit celui de la liturgie catholique. Antonia a préféré son indépendance à celle prônée par les militants. Elle a refusé d’être enfermée dans son village, dans sa condition de femme. Vivre sa liberté, pour elle, c’était vivre le réel, en dehors de toute abstraction. Quoi de plus sincère qu’un objectif d’appareil photo ? Vivre le réel absolu, c’était partir voir ce qui se passait en Bosnie. Dans une Corse où s’affrontent les fractions et les hommes, comme dans le conflit dans une Yougoslavie éparpillée, les mythes pèsent plus que l’histoire vraie.

Adrien Bosc aime romancer les moyens de transports. Après « Constellation », il publie chez Stock, « Capitaine », l’épopée d’un paquebot en 1941. Le Capitaine-Paul-Lemerle, vieux rafiot rafistolé de partout, quitte Marseille à destination des Antilles. A son bord s’entassent tout se que Vichy réprouve : immigrés de l’Est, Juifs, Républicains espagnols, intellectuels et artistes. Tous ce petit monde vit dans sa communauté, sans trop se mélanger. Les rencontres sont parfois cocasses, parfois brillantes. Les écrivains Victor Serge, André Breton et Claude Levi-Strauss s’opposent sur la phrase de Leibnitz « on ne saurait connaître les goût des pomme par le récit du voyageur ». Marxisme, surréalisme, relativisme sont-ils compatibles ? Le paquebot fait escale en Algérie où plane le souvenir brûlant de Mers-el-Kébir : on y déteste les Anglais. A la Martinique, les voyageurs découvrent un univers misérable, raciste et antisémite.. mais aussi Aimé Césaire. Les trajectoires des passagers et l’ambiance des escales rythment le roman au style brillant.

Chez Gallimard, collection L’Arbalète, Carole Fives publie « Tenir jusqu’à l’aube », le roman de la solitude. Abandonnée par le père de son enfant, une jeune mère de famille se retrouve seule, avec son bébé, à Lyon, une ville qu’elle ne connait pas et où elle ne connait personne. Elle aspire à la liberté, au renouveau, à cette envie de repartir à zéro, mais quand personne ne tend la main, cela n’est pas facile. Elle ressent autour d’elle une hostilité qu’elle va devoir affronter, sans qu’amis ni famille ne puissent l’aider. Même internet ne lui offre rien, si ce n’est des conseils gratuits… forts peu utiles. Elle n’a qu’une seule force : son petit garçon.

Avec « Quand Dieu boxait en amateur », paru chez Grasset, Guy Boley nous offre le magnifique portrait de son père. Il était un peu le héros local de sa ville : Besançon. Forgeron au travail depuis l’âge de 14 ans, champion de boxe amateur, il interprétait le rôle de Jésus-Christ dans une pièce donnée par l’aumônerie. Mais pour Guy Boley, il était plus que tout cela, et, après son départ, il convenait de lui rendre un hommage littéraire, merveilleusement écrit.

 

Jean-Luc Aubarbier.

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