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by • 15 septembre 2017 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur ESSOR SARLADAIS du 15 septembre 20171742

ESSOR SARLADAIS du 15 septembre 2017

 

 

L’ALGERIE AU CŒUR.

Le Tour des Livres.

 

L’Algérie, sa nostalgie, ses conflits et ses drames, sont au cœur de cette rentrée littéraire. Avec « Dans l’épaisseur de la chair », paru chez Zulma, Jean-Marie Blas de Roblès nous livre les mémoires d’une famille de ‘vrais pieds-noirs’, vu à travers les souvenirs d’un enfant. Tout commence par une partie de pêche au cours de laquelle le narrateur tombe à la mer. Les souvenirs remontent à la surface de l’eau, comme des bulles d’air. Venue d’Espagne, sa famille s’est fixée à Sidi-Bel-Abbès, dans l’Oranais. Son père, Manuel, qui a perdu la nationalité française en 1940, car né étranger, s’engage dans l’armée de libération et participe aux combats en Italie avec les goumiers, ces soldats indigènes qui constituent le gros des troupes. Médecin militaire, blessé, décoré, il revient en Algérie pour assister au massacre de Sétif en 1945, qui voit l’affrontement des indépendantistes et de l’armée française. Devenu médecin civil, jusqu’au bout il va croire en la possibilité d’une cohabitation, et à l’impossibilité de l’exil. Pourtant, il devra se résoudre à partir pour cette France continentale qui ne veut pas de lui et qu’il ne connait pas. Si le fils ne se sent pas à la hauteur de son héros de père qu’il admire et aime, il sera pourtant le premier ‘métropolitain’ de la famille. Les Pieds-Noirs, avec leurs coutumes et leur accent, sont une espèce en voie de disparition. Un roman magnifique et émouvant.

C’est la même histoire, vue de l’autre coté que nous raconte Alice Zeniter dans son très beau roman, paru chez Flammarion, « L’Art de  perdre ». Naïma est née en Normandie ; l’Algérie, où elle ne s’est jamais rendue, c’est l’histoire de sa famille. En 1942, son grand-père, Ali, un Kabyle, s’est engagé dans l’armée française. A son retour, il fait vivre les siens dans une certaine aisance. Hamid, le père de Naïma, n’est encore qu’un enfant quand commence la guerre d’indépendance. Ali, balloté entre son passé de soldat de la France et les souvenirs des massacres de Sétif (encore), ne s’engage pas, mais il est néanmoins considéré comme un harki. C’est bien en tant quel tel qu’il embarque pour la France avec les siens, pour sauver sa peau. De camps en logements de fortune, Hamid s’intègrera en remplaçant la religion musulmane par Karl Marx, plus à la mode. Pour Naïma, coupée de ses racines, il faudra un voyage en Algérie pour refaire l’unité de sa vie.

Dans « Un loup pour l’homme », chez le même éditeur, Brigitte Giraud se met dans la peau d’un jeune appelé qui doit partir pour l’Algérie en 1960. Antoine vient d’apprendre que Lila, sa jeune épouse, est enceinte ; il n’a aucune envie de partir, encore moins de tuer quelqu’un. L’histoire de l’Algérie n’est pas la sienne. Devenu infirmier, nommé à l’hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès, il rencontre Oscar, un jeune caporal amputé d’une jambe, et enfermé dans un mutisme total. Faire revenir Oscar dans la communauté des vivants, l’accoucher de ce qu’il retient en lui, devient la seule raison d’exister pour Antoine. Même Lila, venue le rejoindre, ne pourra le détourner de cette mission sacrée ; jusqu’au bout, il devra entendre le récit sauvage d’hommes devenus des loups.

En octobre, va paraitre chez Grasset « La Dépossession », le nouveau roman du grand écrivain algérien Rachid Boudjedra. L’intrigue se noue à Constantine, dans les années 50, dans une ville encore marquée par les purges antisémites du régime de Vichy, et qui plonge peu à peu dans les horreurs de la guerre d’indépendance. Le narrateur, le jeune Rachid, évolue entre différentes cultures, surtout quand ses amours le poussent vers une fille de colon. Un jour, sur son lieu de travail, il tombe sous la fascination de deux tableaux du peintre Albert Marquet (mort en 1947), ami de Matisse, et qui semble contenir toute la mémoire du Maghreb. Athée convaincu, Rachid Boudjedra nous décrit un pays mutilé par la colonisation et sa propre histoire, et qui se cherche à travers l’art et sa langue.

 

JEAN-LUC  AUBARBIER.

 

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