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by • 13 octobre 2022 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 14 octobre 2022.405

Essor Sarladais du 14 octobre 2022.

SEXE, RAISON ET LITTERATURE.

Le Tour des Livres.

Trois générations de femmes qui ont choisi le sexe comme sujet de littérature. Chacune l’aborde sous un angle différent, mais toute en font un objet de libération. Après « La Maison », où elle racontait sa prostitution volontaire en Allemagne, dans le but d’écrire un livre, Emma Becker développe le thème du désir, toujours en l’observant à travers la loupe de la raison, dans « L’Inconduite » édité chez Albin Michel. Etre à la fois mère et prostituée, en couple et infidèle, rester soi-même dans le désir des hommes, voilà le difficile programme auquel elle s’astreint. En fait, sa quête revient à se libérer des uns par les autres, assurant ainsi un fragile mais respectable équilibre. Il y a du « lâcher-prise » zen dans cette manière de préférer l’action aux théories, « ma tête bien sagement posée à coté de mon corps », comme elle l’écrit. La littérature devient un acte de création personnelle : il lui faut écrire une chose pour que cette chose existe. « L’inconduite » est aussi un livre drôle. Pas seulement sur les hommes, dont elle observe les petits travers, les lâchetés et les défauts avec un regard d’entomologiste, mais aussi sur elle-même, sans s’épargner. Une vraie réussite littéraire. 

Faut-il encore présenter Virginie Despentes ? Depuis « Baise-moi », elle a choisi un style trash, une musique punk, pour crier sa détestation du monde bourgeois et des injustices. Le sexe est comme une arme politique, sous sa plume. Ne nous y trompons pas, il s’agit bien de littérature, avec un style et un univers propre. « Cher connard », qui vient de sortir chez Grasset, est un roman épistolaire. Trois personnages vulnérables et haineux échangent des insultes dans des lettres. Oscar, écrivain a moitié raté, a insulté Rebecca, actrice vieillissante ; elle commence sa réponse par le désormais célèbre « cher connard ». Zoé a souffert dans son rapport avec les hommes ; elle ne veut ni oublier, ni pardonner. Elle ne veut pas aller mieux. Le roman est plus fin qu’il n’apparait : la rage n’est pas éloignée de la consolation, ni la colère, de l’acceptation. Par des bricolages qui ramènent chacun à la réalité, l’amitié finira par naître et sauvera, peut-être pas le monde, mais les individus qui se sont faits confiance.

Catherine Millet est encore d’une autre génération. Avoir vingt ans juste avant Mai 68, c’est basculer dans une époque disparue. « Commencement », paru chez Flammarion, est un complément nécessaire de « La vie sexuelle de Catherine M. » qui l’avait rendu célèbre. Les années de lycée, les rêves romantiques à Bois-Colombes, vont vite voler en éclat sous les multiples expériences sexuelles. Roman d’apprentissage, d’initiation, « Commencement » décrit une éducation sentimentale, sexuelle, intellectuelle et artistique. La rupture nécessaire avec les parents se fait violente (une nécessité). En participant à une revue de poésie étudiante, Catherine va rencontrer ce qui sera la grande joie de sa vie : la peinture. L’amitié, l’éveil, l’écriture, les cafés étudiants sont ici magnifiquement décrits, avec un style élégant et le recul de l’âge.

                                                                            Jean-Luc  Aubarbier.

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