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by • 19 février 2020 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 14 février 20201101

Essor Sarladais du 14 février 2020

Consentement.

Le Tour des Livres.

  Le thème du consentement en matière sexuelle tient le haut du pavé littéraire, après les différents scandales qui ont agité la planète sur ce sujet. La rentrée littéraire nous avait prodigué l’excellent roman de Karine Tuil « Les choses humaines » (Gallimard), déjà chroniqué dans ces colonnes.  Périgourdine d’adoption, Alice Moine en livre une version dense et forte à travers son court roman « Les Fluides », publié chez Belfond. Rien ne va plus dans la vie de Julie : elle a perdu son travail, s’est séparé de son mari et n’a même pas la garde de sa fille. Elle n’a plus envie de rien, plus envie de vivre, depuis un ‘incident’ dont elle n’ose parler (bien qu’elle soit la narratrice de l’histoire). Alors qu’elle passe une journée à la piscine avec Charlotte, bien décidée à reconquérir le cœur de sa fille, la douceur de l’eau, sans effacer ses angoisses, fait remonter à la surface les éléments de sa vie. Est-elle coupable de ce qui lui arrive ? Est-ce un problème de personnalité ? Si elle ne supporte plus les corps, ni le siens ni celui des autres, est-ce à cause de cette agression qu’elle a subie ? Mais, si elle n’a pas osé dire non, était-ce bien une agression ? Cinéaste, Alice Moine tourne un court-métrage adapté de son livre.

Livre vedette de ce début d’année, « Le Consentement », de Vanessa Springora, publié chez Grasset, a fait l’effet d’une bombe dans le paysage littéraire. L’auteure y raconte, avec un réel talent, la liaison qu’elle a entretenue, à l’âge de 14 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, quinquagénaire au moment des faits. Bien sur l’époque était différente. La récente libération sexuelle des années 60 n’avait pas produit que des bonnes choses. Sous prétexte de liberté, il convenait de « jouir sans entraves » ; enfants et adolescents y étaient conviés et les abus sexuels étaient considérés comme des délits mineurs. L’auteure montre combien tout cela était faux. Matzneff (toujours caché derrière ses initiales) se comporte comme l’ogre des fables enfantines. A 13 ans, Vanessa rêve de littérature et de liberté, son père est un éternel absent. Autant de brèches dans lesquelles va s’engouffrer le prédateur. Personne ne songe à protéger l’adolescente : on ne refuse rien à celui que l’on considère comme un génie de la littérature, même si sa réputation de pédophile le précède. Pire que cela : il en fait commerce et raconte à longueur de livres ses aventures avec des Lolitas et ses voyages du sexe aux Philippines, figeant ses victimes dans les pages glacées de ses œuvres. Le pervers narcissique a pour caractéristique de ne jamais ressentir les souffrances et les émotions des autres ; il fonctionne comme une secte. Vanessa Springora finira par s’enfuir, mais trainera longtemps un dégoût d’elle-même et un mal-être.

En 2012, l’Américaine Margaux Fragoso avait raconté ses mésaventures dans un livre « Tigre, tigre », publié chez Flammarion. Privée de père, elle avait été ‘séduite’ à l’âge de 7 ans, par un ami de sa mère âgé de 51 ans. Elle avait envie d’être avec cet homme charmant qui lui racontait des histoires merveilleuses et lui prodiguait des attouchements interdits. Adolescente, elle va devenir sa maitresse et le processus de mal-être, de déni, de culpabilité, va se mettre en place. Elle attendra l’âge de 24 ans pour se rendre compte qu’elle a été victime d’un pédophile et porter plainte.

Sur le sujet, il faut lire ou relire « Lolita », le chef d’œuvre de Vladimir Nabokov, disponible chez Folio. Publié en 1955, l’ouvrage fit scandale et le mot Lolita est passé dans le langage courant pour désigner une adolescente délurée. Mais il ne faut pas oublier que le livre est écrit du point de vue du prédateur, Humbert Humbert, qui attend la mort dans sa prison. La charmante Lolita, dont il se détourne quand elle cesse d’être une nymphette pour devenir une ‘abominable lycéenne’, est une victime. L’ouvrage a été adapté deux fois au cinéma, par Stanley Kubrick en 1962, avec James Mason et Adrian Lyne en 1997 avec Jeremy Irons. Deux chefs d’œuvre.

                                                              Jean-Luc  Aubarbier.

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