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by • 4 février 2016 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur ESSOR SARLADAIS du 5 février 2016.2587

ESSOR SARLADAIS du 5 février 2016.

 

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MOURIR AVEC CELINE.

Le Tour des Livres.

 

Critique littéraire à Sud Ouest, la Bordelaise Isabelle Bunisset accompagne les derniers jours de Céline dans un splendide roman : « Vers la nuit », publié chez Flammarion. Qui est vraiment Céline, ce nihiliste qui ne croit en rien et n’aime personne ? Un génie ? Un salaud ? Reclus, assiégé dans son domicile par ceux qui crie « à mort », empoisonné par la haine qu’il se porte à lui-même, Céline veut achever son dernier ouvrage, « Rigodon », avant de disparaitre du monde des hommes. Jusqu’au bout, il sera ce singe ricanant, mais il est aussi cet homme brisé par l’expérience de la première guerre mondiale. Qu’aurait été Céline sans 14-18 ? « ça ne s’oublie jamais la guerre, on reste dedans comme en cage, on n’a pas la clef. » Sa fierté, son honneur, c’aura été de ne jamais se faire la moindre illusion sur les hommes. Antisémite revendiqué, il porte la même haine envers les Boches et un mépris total pour Pétain. En écrivant à la première personne, Isabelle Bunisset a retrouvé l’écriture chaotique, rythmée et savante, en tout point superbe, de celui qui a révolutionné les lettres françaises et inspiré les plus grands (de Frédéric Dard à Michel Audiard).

Entre le polar et le récit fantastique, Pierre Assouline nous propose, chez Gallimard « Golem ». Champion d’échecs, Gustave Meyer est interpellé par la police après avoir rendu visite à son ami psychiatre, le professeur Klapman. Accusé du meurtre de sa femme, il parvient à s’enfuir. Dissimulé sous une autre identité, il est devenu un clandestin qui gagne sa vie en jouant aux échecs. Obligé d’enquêter sur lui-même, il découvre qu’il a subi une opération du cerveau qui l’a rendu dépendant de son chirurgien, tout en décuplant ses facultés mentales. Il est un golem, une créature artificielle tombée en esclavage. Il devient la figure même du Juif errant, en quête de sa véritable identité.

Chez Zulma, le Catalan Miquel de Palol nous livre un roman immense et virtuose avec « Le Jardin des Sept Crépuscules ». C’est un ensemble de romans, d’histoires enchâssées les unes dans les autres, qui s’emboitent et se recoupent avec un art consommé du suspense. Réunis dans une forteresse au luxe insensé, une poignée de privilégiés se livrent au plaisir délectable de se raconter des histoires, à partir d’un même récit initial. Les intrigues, racontées en sept jours et sept nuits, nous rapprochent d’un mystère qui, sans cesse, se dérobe. Un régal d’architecture littéraire.

Chez Métailié, le Colombien Evelio Rosero nous propose « Le Carnaval des innocents ». Dans une petite ville du sud de la Colombie, le docteur Justo Pastor Proceso a tout pour être heureux. A sa vie professionnelle et familiale réussie, il ajoute une passion : la recherche de la véritable histoire de Simon Bolivar. Mais son hobby va faire son malheur. Quand il révèle le coté sombre du héros national (menteur, tricheur et obsédé sexuel), il éveille la colère de ses concitoyens. Même sa famille modèle le trahit ! Un univers burlesque dans la grande tradition sud-américaine.

Chez Robert Laffont, Olivier Charneux revient sur le drame des homosexuels dans l’Allemagne nazie avec « Les guérir ». Pour une société où la nature ne peut être qu’exemplaire, l’homosexualité est une maladie qu’il faut à tout prix éradiquer. Carl Vaernet, un médecin danois au service de Himmler, va expérimenter sur les « invertis » emprisonnés à Buchenwald, ses prétendues inventions. Son obsession de la norme va le conduire au pire fanatisme. Réfugié en Argentine après la guerre, il ne sera jamais inquiété. Un roman très proche d’une réalité historique méconnue.

 

JEAN-LUC  AUBARBIER.

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