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by • 25 février 2021 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 26 février 2021.992

Essor Sarladais du 26 février 2021.

Ballades en Europe.

Le Tour des Livres.

   Prix Goncourt 1995 pour « Le testament français », Andreï Makine reste une des plus belles voix de notre littérature, un Russe français à l’univers très personnel. Avec « L’ami arménien », son dernier roman paru chez Grasset, il nous livre une œuvre autobiographique, le récit d’une amitié d’adolescence. Le narrateur vit dans un orphelinat de Sibérie, après la seconde guerre mondiale. Il se fait le protecteur de Vardan, un garçon faible, différent, que les autres harcèlent. Mais Vardan va le révéler à lui-même, lui apprendre que le ciel est partout, que l’idéal est dans la vie, même la plus humble. Vardan appartient à une petite communauté arménienne, rassemblée en ces lieux pour visiter ceux des leurs qui sont en prison. Car la main de Staline s’abat encore fort sur les dissidents. Il fait pénétrer le narrateur dans le « royaume d’Arménie », un univers plein de poésie, hanté par les anciennes blessures. Makine rejoint ici les grands auteurs russes, les Soljenitsyne, Dostoïevski et Tolstoï, et une sensibilité toute chrétienne : il suffit d’une injustice pour faire s’écrouler l’univers.

C’est un autre de nos stylistes, à l’élégante écriture, qui nous donne cet étrange roman, paru chez Stock : « Fantaisie allemande ». Philippe Claudel a réuni plusieurs textes qui finissent par se répondre autour de deux figures : celle de Viktor, le tortionnaire d’un camp d’extermination, et celle de Franz Marc, cet artiste handicapé, déclaré fou, que les Nazis vont supprimer lors de leur plan d’extermination des malades mentaux. On ne les rencontres pas, ces deux personnages, on les côtois à travers un ancien complice, une aide soignante égoïste, justicière sans le savoir, une administration aveugle. Le début de ce roman qui sonne comme une œuvre musicale, m’a fait penser au « Roi des Aulnes », de Michel Tournier.

Auteur yougoslave, réfugié en Angleterre au début de la seconde guerre mondiale, Milos Tsernianski nous a laissé une œuvre immense, lyrique et époustouflante, « Le roman de Londres », publié par les éditions Noir sur Blanc. Il y narre le destin d’un couple russe exilé dans la capitale anglaise après 1945. Le prince Repnine et son épouse, Nadia, s’efforce d’exister dans une société qui les ignore. Leur propre monde s’est écroulé, tout ce qui faisait leurs repères n’existent plus. Cette inadaptation les angoisse : ils ont fui pour un nulle-part. L’acceptation de l’absurde, entre humour et désespoir, sera leur seule voie, celle des êtres brisés dans un monde confus. C’est aussi un roman d’amour poignant, dans une dernière tentative de préserver le passé.

Née américaine, Tracy Chevalier a choisi de vivre à Londres et d’écrire sur l’Angleterre. Dans « La Brodeuse de Winchester », publié chez Quai Voltaire, elle raconte l’histoire de Violet, une jeune fille folle de lecture. Après la première guerre mondiale, elle n’est plus que l’une de ces millions de femmes anglaises  restées célibataires. La guerre a pris leurs fiancés potentiels et la société n’est pas tendre avec ces ‘inutiles’ qui ne peuvent fonder une famille. En 1932, personne ne veut imaginer qu’une femme puisse avoir son propre destin. Exilée à Winchester, Violet y rencontre des êtres qui souffrent comme elle, réunis dans le cercle des Brodeuses de la cathédrale.

                                                                          Jean-Luc  Aubarbier.

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