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by • 21 mars 2014 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 21 mars 20142554

Essor Sarladais du 21 mars 2014

couv trois jours à oran anne plantagenet

Le Tour des Livres du 21 mars 2014.

TROIS JOURS A ORAN

Le Tour des Livres.

 

Contrairement à la mode de l’autofiction, Anne Plantagenet ne se cache pas derrière l’étiquette ‘roman’ pour raconter, dans « Trois jours à Oran », publié chez Stock, ce voyage de retour en Algérie effectué avec son père. Mais elle nous livre ainsi la plus belle œuvre littéraire de ce début d’année. Ni la mère, ni le frère n’ont voulu les accompagner dans ce pèlerinage, ce retour ‘chez nous’, comme disent ses parents. Pour elle, qui n’a pas connu l’exode, ce ne sont que des souvenirs indirects. Mais la blessure d’un récent divorce l’a rapprochée de cette souffrance originelle. Les souvenirs sont incompatibles avec le sentiment de culpabilité de la colonisation et le mensonge du bonheur perpétuel, là-bas, est un dogme familial. Sur place, la narratrice découvre que ses parents n’étaient pas aussi riches qu’ils le prétendaient. Le père, qu’elle a toujours connu gauche, timide et effrayé de tout, s’éveille à-peine a-t-il posé le pied à Oran. Quarante ans après, il devient le guide de leur guide (un jeune homme né après l’indépendance et qui garde la nostalgie des Français). La visite de l’ancien appartement d’Oran, où le nouvel occupant est aussi gêné que les visiteurs de France, et celle de la ferme de Misserghin où ils sont reçus comme des messies, sont des morceaux d’anthologie.

Chez Flammarion, François-Guillaume Lorrain nous fait revivre le grand duel cinématographique et amoureux qui eut lieu en Italie en 1949, avec « L’année des volcans ». Avec « Rome ville ouverte », Roberto Rossellini et sa compagne, la volcanique Anna Magnani, sont devenus des vedettes aux Etats-Unis. Séducteur et menteur, le cinéaste veut tourner son prochain film avec la nouvelle star d’Hollywood, Ingrid Bergman. Fuyant l’amour violent et dictatorial que lui porte Anna, il séduit Ingrid par ses lettres et son baratin. Le film, « Stromboli » sera tourné sur la célèbre ile volcanique. Mais Rossellini a trompé ses scénaristes qui montent un projet concurrent, « Vulcano », tourné sur une autre ile, avec Anna Magnani en vedette. Espionnage et drame en tout genre (Haroun Tazieff ne peut empêcher qu’un homme trouve la mort dans le volcan), ponctuent cette histoire qui tourne autour des thèmes de la nature, de la femme et du salut.

L’Argentin Guillermo Martinez nous propose, chez NIL, « Moi aussi, j’ai eu une petite amie bisexuelle ». Accueilli par une université américaine du sud des Etats-Unis, le narrateur, un écrivain argentin, découvre un univers fait d’interdiction et de défiance : il ne faut pas recevoir une étudiante porte fermée, chaque ouvrage étudié est sévèrement critiqué. La suspicion est partout et l’innocence n’existe pas. Pourtant le désir nait entre Jenny et son professeur. Leur liaison leur révèle des pans entiers de leurs personnalités. Mais pour Jenny, qui a vécu une terrible histoire avec une amie, l’amour doit faire souffrir et la mort exerce sur elle un attrait morbide. Quand leur aventure est dévoilée, elle se retrouve au bord de l’abîme.

« Un tout petit rien », le premier roman de Camille Anseaume, publié chez Kero, nous parle également d’amour et de peur, mais avec beaucoup d’humour. Camille ne partage que du plaisir avec son amant ; aucun projet concret ne vient étayer leur relation. La peur de s’engager est trop forte. C’est plus que du sexe mais moins que de l’amour. Aussi, lorsqu’elle tombe enceinte, elle se retrouve devant un choix difficile.

C’est un roman très littéraire, un roman de lecteur, que nous propose Michel Field avec « Le Soldeur », paru chez Julliard. Un homme qui a décidé de vendre sa bibliothèque, rencontre une jeune femme chez le soldeur de livres. Il est subjugué ; elle lui propose un pacte : à chaque rencontre, elle lance un mot autour duquel il doit réunir ses ouvrages. Ce jeu littéraire devient vite une obsession. Peu à peu, il vide sa bibliothèque qui est le miroir de sa vie. Renoncement à un passé ou libération d’une existence révolue ?

Le Bordelais Guillaume Guéraud nous propose, au Rouergue, « Baignade surveillée ». Un été, au Cap-Ferret, un homme s’ennuie entre sa femme qui veut le quitter et son gamin. L’arrivée de son frère va chambouler le calme apparent des habitudes. Les deux frangins s’aiment et se jalousent à la fois. Quand la nostalgie gluante fout le camp, que le présent vole en éclat, une tension insupportable nait dans le fracas des vagues.

                                                                                     JEAN-LUC AUBARBIER.

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